Situation géographique :
Mines et recherches abandonnées de sulfure d'antimoine (stibine), (1859-1918), département de Haute-Corse. Cette exploitation minière ayant une superficie de 652 hectares, s’étend sur le territoire de la commune de Luri, la concession fut instituée par décret le 16 juillet 1863. Accès : (Cf. Carte Cap Corse). On atteint les anciennes mines de Luri à partir de la Route Départementale 80 de Bastia à Macinaggio. Au niveau de Santa Severa, on rejoint la D 180 jusqu’au hameau de Castello. Les bâtiments de l’ancienne mine s’aperçoivent sur le bord droit de la route en allant vers le village, on peut observer, toujours dans la même direction, à gauche de la route de grandes haldes. L’accès au gisement de Spergane, suivre la route en direction du col Sainte Lucie, prendre ensuite la route du hameau de Spergane a la sortie de la bourgade, se trouve un sentier qui part en direction du vallon ou se trouve les vestiges des galeries et bâtiments. Carte IGN 1/25000ème Cap Corse 4347 OT. Carte géologique 1/50000ème Bastia
Aperçu historique :
La découverte par un habitant du village dans son jardin au début de l’année 1859 a permis de reconnaître les premiers indices et d’y faire quelques travaux de recherches pour découvrir le filon de Castello. A l’origine c'est un mineur de Meria qui confirma au découvreur qu’il s’agissait de minerai d’antimoine. La même année l’inventeur déclara à la préfecture de Corse cette découverte, mais celle-ci lui est contestée par plusieurs personnes, dont le maire de la commune. Dans le courant de l'année 1859 trois demandes en concessions sont adressées à la préfecture. Le décret d'exploitation de la concession de Luri Castello est finalement accordé aux premiers inventeurs du filon de Castello, le 16 juin 1863. Ces derniers ont obtenu les faveurs de l'administration de mines car ils avaient dès 1859 entrepris des travaux de recherche importants. La société exploite régulièrement un filon très minéralisé situé au lieu-dit Castello. Après le percement de 4 galeries à flanc de coteau, à partir de 1866 on procède au creusement du puits de 24 mètres de profondeur. A compter de 1870 un second puits dit de 90 mètres est ouvert, il constituera la colonne vertébrale de la mine. Jusqu'en 1881 on perce 4 niveaux de galeries autour de ce puits. Durant les années 1870, la statistique de l'industrie minérale recense 15 à 40 mineurs dans l'exploitation de Luri Castello. L'activité se maintient temps bien que mal jusqu'au milieu des années 1885, à cette époque les premières difficultés d'écoulement et la chute du cours du minerai contraignent les concessionnaires à cesser l'activité. Devant l'impossibilité de rémunérer leurs ouvriers, les dirigeants de la mine leur abandonnent l'exploitation en 1887. La gestion est assumée par leur syndicat sous la responsabilité d’un maître mineur. La vente de la production est faite à un anglais Sir Arthur Southwell qui l'exporte vers l'Angleterre. La concession est cédée à la société Wiens, Novelli et Southwell de Londres en 1889, société nouvellement créée pour la reprise de la mine de Luri, avec des capitaux anglais sous l'impulsion de Southwell. L'activité de la mine est importante, on atteint en 1893 le niveau - 150. Arthur Southwell était vice-consul d'Angleterre à Bastia, il était venu en Corse pour contrôler l'approvisionnement en cédrat d'une confiserie londonienne. Après avoir monté une compagnie maritime pour assurer des transports de marchandises entre la Corse, l'Angleterre et le nord de l'Europe, il multiplie les achats de minerais pour des industriels anglais avant de prendre part directement à de nombreuses exploitations dans l'île (Luri, Meria, Argentella et Lozari), jusqu'à sa mort en 1910. Faisant fonction d'ingénieur, Southwell fait doubler le second puits par un travers-banc desservant 8 niveaux de galeries. Dans un article du Petit Bastiais daté du 7 janvier 1891 et quelques rapports des ingénieurs des mines soulignent l'activité du concessionnaire. Il fera installer deux machines à vapeur pour l’exhaure des eaux et ouvrir des niveaux supplémentaires.
La société emploie chaque année entre 150 et 200 personnes, dont la grande majorité est d'origine étrangère (Italiens). Des manœuvres insulaires, parmi lesquels on trouve des femmes et des enfants originaires du village de Luri, sont employés à l'extérieur, pour le triage, le boisage, etc. La décennie 1890, inaugure une grande activité, avant de connaître une baisse progressive de la production, due à la chute des cours du régule, consécutive à l'arrivée sur le marché européen des antimoines chinois. Entre 1890 et 1897, 130 à 200 ouvriers sont occupés chaque année, en 1899 ils ne sont plus que 30. En 1904, la société anglaise cède la concession à une firme italienne, la société « Minière e fonderie d'antimonio », dont le siège social est à Gênes. La nouvelle direction de la société se contente de dépilages sur le site de Luri, dont une grande partie des niveaux inférieurs sont noyés, pour se consacrer à des recherches sur le filon de Spergane (une demande de recherche est adressée à la préfecture). La concession de Luri est regroupée en 1926 aux autres mines d'antimoine (Ersa et Meria) par la Société Minière du Cap Corse. Le siège social du nouveau concessionnaire se trouve à Ivry (France) et son responsable n’est autre que l'ingénieur local de la mine de Luri. Celui-ci va mener quelques travaux de recherches au hameau de Spergane entre 1927 et 1939, puis cette dernière société est mise en liquidation. Il apparaît en 1952 une nouvelle Société d'Etudes et de Recherches pour l'Antimoine qui reprend les trois concessions du Cap. Il s'agit d'une filiale de la Société Nouvelle des Mines de la Lucette. Cette société exploitait une mine d'or et d'antimoine située sur la commune Le Genest en Mayenne, gisement épuisé en 1952, mais la société conserve une importante fonderie d'antimoine, approvisionnée par les mines de sa filiale en Algérie. On envisage dès 1952 d'exploiter les filons de Belle-Fachieri à Luri et San Martino à Meria avec 16 mineurs, une estimation du coût en matériel a été définie à plusieurs millions de francs, le projet sera abandonné. En 1983, cette dernière société devient directement concessionnaire des mines d'antimoine du Cap. Elles servent de réserve en écartant une concurrence nationale, sur le terrain sa politique se caractérise par un désengagement. En 1984 on a procédé à la mise en sécurité des travaux.
Description des travaux :
Type : Filon de quartz à sulfures Sb et minéraux connexes
La concession de Luri Castello comprend deux secteurs, le gisement de Castello (Filon de Poggio) et le gisement de Spergane distant l’un de l’autre que de 2,7 kilomètres et une abondance de filons parallèles de direction NW-SE, qui s’étendent sur l’ensemble de la concession.
Localisation Lambert 4 - Corse : Le gisement de Castello avec les filons Castello «sensu stricto» X: 576,050; Y : 4291,000; Z : 160. X : 576,150 ; Y : 4291,120 ; Z : 170. X : 576,220 ; Y : 4290,950 ; Z : 170. Simoni, Belle Falchieri, filon d’Alzeto, «un peu plus au N et parallèle au filon Belle Falchieri», filon de Poggio « celui-ci étant parallèle au filon Alzeto, mais orienté NE »
Ce champ filonien est reconnu sur plus de 600 mètres de longueur jusqu'au niveau -90 m et 150 m au niveau -182 m. La hauteur totale parcourue est de 230 m. La puissance du filon est en moyenne de 1,5 à 2 m mais peut atteindre jusqu'à 5 m (niveau Giuseppi) et même 6 m (niveau N°7). La puissance réduite de la minéralisation, dans les parties minéralisées, peut atteindre 0,40 m, le minerai étant généralement en deux veines situées au toit et au mur, et typiquement bien séparées au niveau N° 7. Cette minéralisation forme une colonne majeur de 100 à 150 m de longueur et connue sur toute la hauteur des travaux [230 m) et des lentilles situées de côté, dont une localisée à 80 m au NW de cette colonne. Les épontes sont en général bien marquées et soulignées par des miroirs de failles. D’une direction N 45° W, le filon parait subconcordant avec les schistes encaissants. En fait, si sa direction est parallèle à celle des schistes, son pendage est plus fort -60° vers le SW- et il recoupe un autre filon. Les travaux d'exploitation de Castello ont comporté au total 400 m de puits et descenderies, 250 m de travers-bancs et 4 000 m de galeries, le filon ayant été reconnu sur 12 niveaux distants verticalement de 20 à 25 m, dont 4 au jour et 8 desservis par un puits profond de 182 m. Des travaux de recherche sont entrepris par le BRGM depuis 1974 sur le champ filonien, Ils ont comporté jusqu'à présent essentiellement des prospections géochimiques en sol et des tranchées. Ces travaux ont abouti à la découverte de nouveaux indices qui restent de dimension assez modeste.
La production du filon Castello a été estimée à 3 000 t de Sb. Les travaux de géochimie ont montré qu'il n'existait pas de nouvelles colonnes minéralisées affleurantes de surcroît au filon. Selon les études établies par les nombreux scientifiques il serait judicieux de prolonger les recherches d’éventuelles minéralisations beaucoup plus en profondeur.
Localisation Lambert 4 - Corse : Filon de Spergane, celui-ci se trouve proche du hameau, « X: 574,800; Y : 4292,300; Z : 300. & X : 575,000 ; Y : 4292,060 ; Z : 220.
Découvert en 1862, Il est orienté lui aussi N 45° W avec un pendage 70° SW, il se situe en prolongement approximatif des filons Simoni et Belle Falchieri. Reconnu en affleurement sur 1 km, le filon a d'abord été tracé sur 3 niveaux ; Ribasso 90m, Viola 120m et Rosetta 158m, il a été parcouru en galeries sur environ 400 m de long et 150 m de haut entre les différents points. Quelques travaux en 1881-1885 sur le niveau Giglio 23m, puis abandonné. Une reprise entre 1905-1908 par la société Mines et fonderies avec des recherches sur les 4 niveaux suivant : qui sont de bas en haut : Ribasso, Viola, Rosetta, et Giglio, finalement ce fut presque 1100m de traçage qui a été fait sur cette mine. La minéralisation était distribuée en lentilles irrégulières sans continuité verticale ni horizontale. L'épaisseur moyenne était de 15 cm, pouvant atteindre 40cm, sur des longueurs variant de 2 à 11 m, séparées par des serrées de 2 à 3 m d'une puissance de quelques centimètres. Le minerai était composé de stibine, pyrite et mispickel. La production du filon Spergane est évaluée à 400 t de Sb (1 000 t de minerai à 35 - 40 %). Un rapport du Service des Mines, de 1915, chiffrait les réserves à 4 000 t de minerai à 50 % Sb, qui n'auraient donc pas été toutes exploitées. Les recherches se poursuivirent jusqu'en 1921.
L'exploitation en galeries était élaborée autour du puits de Terra Rossa. On rencontre aujourd'hui sur le site plusieurs entrées d'anciennes galeries sur la route communale menant au hameau de Castello. Sur la place (constituée par les haldes de la mine) qui sert de dépôt aux Ponts et Chaussées était installé un hangar à minerais. En face de l'autre côté de la route communale, on rencontre le bâtiment d'accès au puits Terra Rossa, aujourd'hui obstrué. Il s'agit d'un ensemble réalisé en brique rouge et liant à la chaux, se composant d'un mur d'enceinte, d'un petit bâtiment à l'Est qui servait d'accès à la descenderie et d'une tour à l'Ouest devant servir de chevalet pour la descente dans la mine par le puits Terra Rossa. Juste au-dessus se trouve le bureau de la mine, établi en rez-de-chaussée surélevé et avec un comble à surcroît, la couverture en tuile creuse est très dégradée. Sur les trois autres filons de Belle Falchieri, Simoni et Poggio, qui ont surtout fait l'objet de recherches, il subsiste des entrées de galeries peu développées et des traces de grattages. Concernant le site de Spergane peu de choses subsistent aujourd’hui si ce n’est que quelques entrées de galeries partiellement effondrées et une ruine en bois.
Minéraux :
A : Stibine - Calcite -
AF : Stibiconite - Arsenopyrite - Quartz
F : Calcite - Ankérite
PF : Cinabre
R : Berthierite